La principale
fabrique de la Picardie, est appelée Sayetterie à cause que le fil de la
sayette, fait de laine peignée et filée au petit rouet, compose seule la
chaîne de ces étoffes qui sont des serges de Crêvecoeur, d'Aumale, des baracans, des camelots, des raz de Gênes, raz façon de Châlons,
serges façon de Nîmes, serges façon de Seigneur, le tout de pure laine. Il
s'y fait aussi différents ouvrages où la laine est employée avec la serge, le
fil, le lin, le poil de chèvres, comme camelots façon de Bruxelles, pluches,
raz de Gênes, étamines façon du Mans, étamines du Lude; ces dernières
étoffes ne sont façonnées que dans les villes d'Amiens et d’Abbeville.
Les laines dont on se sert dans ces manufactures sont,
pour la plus grande partie, du crû du pays, on en tire de Brie, du Soissonais.
de l'Artois, de la Flandre, de la
mer Baltique. d’lrlande quelques
laines en bouchons d’Angleterre. pour les ouvrages les plus fins.
Le commerce de lins y est très considérable Le Ponthieu,
l’Amiénois et surtout le Vermandois en produisent abondamment; les marchands
en envoient beaucoup à Rouen et on Belgique. Il s'en consomme dans le pais
aux fabriques de toiles, de batistes,
inconnues sous le nom de toiles de Saint-Quentin. Les graines de ces lins
entrent aussi dans le commerce; on en envoie
par mer en Normandie, on Bretagne, pour y être transportées; cette
graine s'use, se consomme, Si on ne la change de terroir; elle reprend une
nouvelle fertilité dans un nouveau pays.
Dans ces mémoires manuscrits, si intéressants sur la Picardie, l’intendant Bignon dit encore « Il y a dans la Picardie, qui est une des provinces qui a donné le plus grand nombre de maisons considérables à la noblesse de France, cinq cents familles nobles ainsi réparties
d’Amiens |
86 |
d'Abbeville |
80 |
de Péronne |
40 |
de Doullens. |
20 |
de Montdidier |
50 |
de Saint-Quentin
|
14 |
Total |
290 |
De
plus, il doit ajouter que, non seulement
Saint- Quentin tissait le commerce
des étoffes de laine, mais encore que la plupart des villes qui l'environnaient
se livraient à la même industrie. Ainsi Laon possède dans ses
archives le règlement de son commerce des draps pour l'année 1248.
Une
charte de Philippe le Bel, datée de 1301, parle d’un droit qui se percevait
sur chaque pièce de drap fabriquée à Château Thierry, et autres lieux
ressortissant à la châtellenie. A Vervins, il y avait la rue des Foulons
, et, au commencement du XVII e siècle, Soissons se livrait au commerce
des draps d'une aune et de serges
de différentes qualités.
A
La Fère, du XIVe au XVIIe siècle on faisait des draps, et des toiles, du XVIIe au XVIII e siècle.
On fabriquait aussi à Montcornet des étoffes connues sous le nom de serges
Saint Nicolas
L'élection
de Guise , dans la généralité de Soissons, avait en outre
plusieurs forges et plus de fourneaux où l'on fondait le fer au charbon.
Depuis longtemps, on fabriquait dans le Vermandois des tissus de soie, de belles qualités et d'une consommation restreinte, qui servaient particulièrement à faire des tamis et à passer des liqueurs mais ce ne fût qu’en 1762 que le tissage des gazes et des mousselines fût introduit à Fresnoy le Grand ,commune très importante et très peuplée située à 3 lieues de Saint Quentin
Voici
au sujet de M. Santerre ce que disent les manuscrits de Dom grenier
M.
Santerre, négociant à Paris., a arraché à la misère un grand nombre de
familles, en établissant dans les environs de Saint Quentin la manufacture de
gazes de soie
En
l'année 1781, la succursale de Fresnoy avait plus de 900 métiers qui
produisaient des gazes de soie, dont les qualités égalaient celles d'Italie.
Ces marchandises étaient presque toutes destinées à l'exportation.
Après
lui, un autre manufacturier, habile et intelligent, lui succéda , et il
soutint avec avantage la réputation de son prédécesseur. Comme lui il chercha
à donner à cette industrie le plus grand développement, et, quand il la
quitta, il occupait 1400 ouvriers et 400 dévideuses.
La
fabrication des étoffes légères, tissées avec de la soie et de la laine,
venait donc de s'implanter définitivement dans le Vermandois, où elle faisait
déjà la richesse de plusieurs de ses villages, et en même temps qu'un
industriel de la rue Neuve Saint Denis se fixait à Seboncourt un négociant,, qui faisait le
commerce de linons et de batistes à Saint Quentin, y montait cent métiers de
gazes de soie, qu'il cédait ensuite à une compagnie pour se livrer
entièrement à son commerce d'articles de fil.
Le
tissage des gazes de soie prit ensuite un plus grand développement dans les
villes de Bohain, de Fresnoy le Grand, à Seboncourt, à Etaves et dans les
autres villages de cette partie des environs de Saint Quentin. Aussi ces
populations laborieuses , qui devaient l'aisance dont elles jouissaient alors à
ce nouveau genre de produit, firent elles tout ce qui dépendit d'elles pour le
conserver et pour obtenir du gouvernement des encouragements.
Tels se trouvaient être les produits qui se fabriquaient dans le district manufacturier de Saint Quentin, et la situation de son commerce, lorsque la révolution éclata. Elle changea tous les rapports, les habitudes, les fortunes et les éléments même de ses industries. Pendant ses orages, le commerce de cette ville y devint à peu près ce qu'il fut dans tout le reste de la France, c'est à dire qu'il s'arreta pendant quelque temps, qu'il suspendit, en partie, ses opérations d'affaires, jusqu'au moment où le calme succéda à la tempête
Source :
Mémoires de Picardie Intendant Bignon (Bibliothèque nationale )