2. La métallurgie et la construction mécanique.

Cette activité est très bien représentée sur Saint-Quentin, puisque c'est elle qui fournit le matériel pour les manufactures sucrières et les entreprises du textile. Ce secteur dépend en grande partie de la fluctuation du charbon.

Les années 1870 sont une période de crise pour la métallurgie et les constructions mécaniques. Le marché est peu actif, la production est maintenue artificiellement. On a recours ici, comme dans le textile, à la réduction de la main d'oeuvre et des horaires de travail. La concurrence allemande rend les échanges plus précaires avec les clients habituels de la place.

Jusqu'en 1884, la production est soutenue, comme les ventes. La demande en produits métallurgiques est forte. Le marché entre à nouveau en crise à partir de 1885, crise qui a pour corollaire une baisse des salaires. Mais, dés 1886, on note une reprise, qui prend fin en 1889 avec la fermeture du marché italien à la quincaillerie.

L'année 1890, montre l'interpénétration du marché du charbon et de la métallurgie. En effet, le charbon qui augmente son prix de 33 % cette année là, provoque le dérèglement du marché de la métallurgie avec une baisse des commandes et des prix.

L'activité reprend en 1891, avec la baisse du prix du charbon et la demande des entreprises textiles en nouveaux matériels. Jusqu'en 1895, l'activité se maintient à un niveau raisonnable.

La place de Saint-Quentin est représentée par les entreprises - Mariolle-Pinguet ( rue Jacques Lescot). - Lecointe et Villette ( rue d'Orléans ). - Daix.

La société Mariolle-Pinguet est celle du maire de la ville ( Charles Désiré MariollePinguet). Fondée par son père en 1820, Charles Désiré Mariolle-Pinguet en prend la succession en 1848, après avoir été diplômé ingénieur en 1846 de l'école nationale des Arts et Métiers de Châlons-Sur-Marne.

Il s'associe avec son frère dans un premier temps ( 1868 à 1882), puis continue la gestion seul jusqu'en 1891, époque où son fils Henry entre dans la société ( l'association est effective en 1894), puis après son décès qui survient en 1903, la société est gérée par son fils.

Cette société représente bien le secteur de la construction mécanique. Cette société modifie son matériel en 1874 pour accroître et diversifier ses activités, elle investit dans de nombreuses manufactures de sucre comme celle de Saint-Erme (pour s'assurer la fourniture de matériel sucrier), participe à la construction d'autres en France ( Coucy ) mais aussi au Brésil et en Afrique.

Le rachat de la société Shreiber ( rue Dachery) en 1891, spécialisée en chaudronnerie du fer et du cuivre montre la volonté de prendre une place plus importante sur le marché saint-quentinois face à la concurrence ( ce qui est un exemple d'absorption horizontale). Les produits phares de la société Mariolle-Pinguet sont l'appareil à lait de chaux et la chaudière à carbonatation.

Le principal concurrent de la société Mariolle-Pinguet est la société Lecointe et Fillette ( S.A de construction mécanique à partir de 1880). 'dème si sa gestion ne fut pas toujours heureuse (en 1887, M . Villette est renvoyé par décision unanime du comité des actionnaires), la société fondée en 1842, est bien représentée au niveau national et à l'étranger, notamment à La Havane.

Une autre entreprise; celle-ci dans le commerce des métaux ; se démarque à SaintQuentin. La société Seret, fondée et dirigée par Jules Seret, possède, en 1870, un stock de 158 tonnes de fer ( soit 164 000 francs de marchandises).

Le chiffre d'affaires de l'entreprise en 1870 est de 249 441 francs, il passe à 346 357 francs en 1871. Jules Seret possède une méthode pour s'approvisionner qui, pour l'époque, est assez peu usitée, il se déplace lui même sur les lieux de production, paie comptant, et ramène la marchandise avec lui.

3. Les autres industries.

Sont regroupés sous le terme " autres industries ", les entreprises de distillerie, produits chimiques et la production d'huile.

L'activité la plus en difficulté est la production d'huile de colza pendant toute la décennie 1870. La situation est très critique, d'autant qu'il s'agit des dernières années d'utilisation d'un tel produit.

Sa production dépasse bien souvent la demande, les cours sont très bas ( en 1874, les producteurs de la région saint-quentinoise se demandent s'ils ne vont pas tout simplement stopper la production définitivement).

La production baisse de 33 % en 1877. Le principal responsable de ce déclin est le pétrole, dont la consommation se développe à cette époque. Les fabricants d'huile de colza demandent une augmentation de l'impôt sur les produits pétroliers, mais cela n'aura aucun effet sur la consommation. La situation ne s'améliore pas pendant la décennie 1880, et surtout à partir de 1884 jusqu'en 1896.

La distillerie, elle, est à peu prés le seul secteur qui traverse la décennie 1870 sans être en crise. De 1869 à 1877, l'activité bat son plein ( en 1872, on assiste à une pénurie de main d'oeuvre les cours sont stables, la demande est importante, ce qui a un puissant effet d'entraînement sur la production. Les marchés étrangers sont très demandeurs des produits de la distillerie saintquentinoise, surtout les pays asiatiques qui figurent parmi les premiers clients.

Un léger ralentissement survient de 1877 à 1880, en partie dû au cours soutenu des mélasses qui sont la matière principale de la distillerie, les ventes diminuent.

La reprise est effective dés les premiers mois de 1881, pendant 1882, 1883. A partir de 1884, la concurrence freine l'essor de la distillerie, la période de crise s'annonce, le secteur est touché en 1885.

Le secteur le plus dynamique est celui de la chimie ( transformation des résidus de la distillerie en potasse). Le schéma est similaire à celui de la distillerie puisqu'elle exploite ses résidus.

Jusqu'en 1876, la situation est exceptionnelle. Les prix sont rémunérateurs les produits sont très recherchés et la concurrence est peu présente sur le marché saint -quentinois.

A partir de 1877, l'augmentation du prix de la mélasse ramène la concurrence. Elle vient principalement de l'Angleterre pour la soude et de l'Italie pour les potasses. Après la reprise du début des années 1880, le secteur est en crise en 1885.

Les entreprises sont peu nombreuses mais relativement importantes. La distillerie et la chimie sont représentées par la société Décle et Cie ( 151 rue de Paris). Fondée en 1834 par Robert de Massy, la distillerie de Rocourt devient très vite, par la complémentarité de ses activités de distillerie et de chimie, la plus grande distillerie française. Robert de Massy s'associe avec son beau-fils Charles Décle en 1857 ( qui prendra sa succession à sa mort en 1876). Le tournant de l'activité se situe dans les années 1860. Avec l'invention d'un système d'extraction de jus de betterave plus performant, il obtient des rendements de l'ordre de 93 %. L'usine traite alors entre 300 et 400 tonnes de betteraves en 24 heures. La société acquiert la distillerie Sébastopol à Ham, la distillerie de Bohain et celle de Busigny. Elle confie la fabrication des appareils d'extraction de jus de betterave à la société Mariol le-Pinguet. Elle produit en 1873, 314 hectolitres d'alcool par jour et 13 tonnes de potasses. En 1884, elle s'étend sur plus de 13 hectares, elle est desservie par le canal et la ligne de chemin de fer Saint-Quentin / Vélu-Bertincourt, elle emploie plus de 400 ouvriers.

Source : Etudes de Geoffroy Giraux Société Académique de Saint Quentin - Etudes Saint- Quentinoises Evolution économique et Sociale - Périodes 1870 et 1914