Il était un petit monument, à Saint-Quentin, qui nous rattachait à un plus grand passé, et nous ramenait plus en arrière que notre basilique des XIIe et XIIIe siècles, ou que sa crypte du Xe. C'était le groupe sculptural, appelé le Petit Saint-Quentin, évocateur (indirect, il est vrai), des traditions gauloises et même néolithiques.

Les Allemands "sont passés là" de 1914 à 1918, et nous l'ont volé, naturellement. Il était logé dans une niche encadrée de moulures, à la façade d'une maison, qu'il a fallu reconstruire après la guerre, sur la rue Saint-Martin (ou Emile-Zola), à l'angle est de cette rue et de la rue du Palais-de-Justice.

II était taillé dans une pièce de chêne et se composait de quatre personnages, d'abord le martyr Quintinus, assis entre deux bourreaux, dont chacun lui enfonçait une broche à coups de marteau dans l'épaule, et au-dessus d'eux un gracieux petit Jésus ou un angelot, encourageant du geste le saint confesseur. Il était de conception naïve et d'exécution gauche. Il datait seulement de 1732, mais il renouvelait assurément une image beaucoup plus ancienne. Le propriétaire de la maison, évacué en 1917, avec tous les autres habitants, l'avait laissé en place. A son retour de l'exode, la niche était vide, et elle-même était écorchée par des éclats d'obus.

Ce monument donnait corps à une tradition très ancienne, d'après laquelle le martyr Quintinus aurait été enfermé dans un cachot à cet endroit, en octobre de l'année 287.

Etant emprisonné, et souffrant de la soif, Quintinus aurait fait jaillir dans son cachot même, qui était sous terre, une fontaine.

Colliette rapporte que des "enflés", des hydropiques, venaient boire et demander la guérison à la fontaine du cachot, qui existait encore au XVIIe siècle. L'avant dernier propriétaire de la maison nous a dit tenir de ses parents qu'elle se trouvait dans une seconde cave (en profondeur), ce qui peut s'expliquer par l'exhaussement croissant de la rue depuis l'an 287. Elle avait tari, et la cave fut comblée vers 1890.

 

Restauration du Petit Saint-Quentin

La Société Académique, en 1927, a fait de nombreuses démarches en vue d'une restauration du Petit Saint-Quentin. Elle a ouvert une souscription publique, à laquelle les vieillards du béguinage Sainte-Anne ont, avec une générosité touchante, participé des premiers. M. Girodon, prix de Rome, a sculpté en ciment une nouvelle représentation du martyre de Quintinus. Malheureusement, la maison, où le groupe doit .être remis en niche, est lente elle-même à renaître, et la nouvelle image attend. On nous assure qu'elle sera mise en place en cette année 1935.

SOURCE Société Académique de Saint Quentin- Mr Ch. Journel