LES GIBETS

…..au-delà du carrefour et à droite de la route du Cateau. Une briqueterie, actuellement, fait suite à ce lieudit, où, en 1814, se dressait un moulin à vent.

Il faudrait donc supposer que les condamnés faisaient un détour par la rue Mulot (le sentier du crucifix paraissant d'ailleurs revenir en demi-cercle vers la Justice) ou plutôt que la maréchaussée jugeait plus commode de procéder à l'exécution dans le bois au Chalet (). Les arbres sont des gibets offerts par la nature, et la potence officielle était peut-être mal entretenue,

Deux gibets

On sait qu'autrefois le droit de haute justice était considéré comme le plus insigne des pouvoirs seigneuriaux, et qu'il était pourtant assez commun, au point que de petites seigneuries, comme celle d'Hargival à Vendhuille, avaient leurs fourches patibulaires. On y tenait beaucoup. Aussi, le mayeur de Saint-Quentin, quoique dessaisi de la juridiction civile, conserva jusqu'à la Révolution la juridiction criminelle sur la ville et ses faubourgs (H. Waquet: Bailliage du Vermandois - Ch. Marchand, etc...), Hors de ces limites, la haute justice appartenait au bailli du Vermandois, siégeant à Laon, mais représenté à Saint-Quentin par un lieutenant criminel et un lieutenant civil.(1)

C'est ce qui explique. probablement. la coexistence de deux gibets à Saint-Quentin, l'un bailliager, route du Cateau, et l'autre communal, situé, dit Th.Eck, sur la Grand'Place, à peu près devant le Crédit Lyonnais (soit dit simplement, bien entendu, pour la commodité descriptive et sans autre intention de rapprochement). Il est permis de déplorer, en passant, la disparition de ce décor, de cette silhouette si romantique et si moralisatrice, ainsi que la disparition du grand puits. Ces deux monuments auraient laissé à la Grand'Place un caractère très original et ultra-moderne, puisque l'esprit moderne et le plus américain raffole du gothique et de l'antique.

Exécutions sur la Grand'Place

La Grand'Place fut vraiment jadis un jardin des supplices, où le bourreau faisait mille tours avec le valet, son compère. Outre la pendaison, on y a pratiqué la décollation à la hache, le broiement sur la roue, l'écartèlement à quatre chevaux. On ignore s'il s'y est fait des estrapades, qui ne sont pas moins spectaculaires. On sait, du moins, par la mention d'un achat de chaudière (Arch. du bailliage) qu'au XIIIe siècle on y plongeait, dans l'eau bouillante, les faux-monnayeurs. De nos jours. on a été bien forcé d'y renoncer: les faux-monnayeurs sont trop : on ne pouvait pratiquement faire bouillir en chaudière M.Poincaré et les parlementaires, qui en 1926 mirent en circulation des francs à vingt centimes (malgré les protestations de l'Institut et d'honnêtes banquiers tels que Rothschild).Un roué

Le 29 octobre 1768, d'après le Mémorial de Bona, un récidiviste et assassin, Desarbres, de Clairefontaine, dit Belarbre, fut rompu vif sur la Grand'Place de Saint-Quentin. après avoir été, l'année précédente, fouetté et marqué. Sa peau, par suite. devait être assez bigarrée. Aussi fut-elle conservée et déposée, comme un vieux parchemin enluminé, à la Bibliothèque municipale.

SOURCE : Mémoires de la Société Académique de St Quentin / 1935 /(1) D'après Hordret (p.349), le lieutenant d'abord unique du bailliage de Vermandois à Saint-Quentin apparaît en 1365.(Le bailli était à Laon) Auparavant, et dès 1210, Saint--Quentin avait un prévôt royal. Le lieutenant, à St-Quentin, jugeait tout le contentieux dans l'auditoire de l'Hôtel-de-Ville, "et souvent au milieu d'un très nombreux concours".D'après Q.Delafons, (t.II, p.147), il est dit, dans un dénombrement de 1396:"Quand les échevins de St-Quentin jugent et condamnent à mort une personne, le châtelain (de la ville) est tenu de la faire exécuter à ses périls, frais et dépens, selon la sentence". Cette Châtellenie de St-Quentin a toute une histoire.

Le châtelain, capitaine gouverneur, lieutenant du comte, s'était réduit, peu à peu, au rôle de simple officier judiciaire et de bourreau au XVe siècle; il disparut vers ce temps-là.Colliette donne aussi de longs détails sur la police communale1

1SOURCE : Mémoires de la Société Académique de St Quentin / 1935 / Mr Charles Journel