L’ETAPE DE L’ESSOR ECONOMIQUE
ET L’ARGENT

 

Le démarrage économique de la Picardie s’est en réalité produit sur une forte période de temps. Les éléments initiaux en sont perceptibles dans les premières décennies du XI ème siècle ; le mouvement atteint sa plénitude vers 1225.

Les prémices de son éveil " roman " se situe dans la phase normande au sens traditionnel que notre histoire donne aux Raids des Vikings ". Les assauts ont pris 2 aspects :

Attaques de la côte comme en 842 sur la Canche, en 843 sur l’Aâ, en 859 et 879 sur la Somme.

En 881 une grande armée normande attaque St Riquier à nouveau St Valéry, après un échec devant Amiens, un succès à Corbie. Les assaillants attaquent Vermand et St-Quentin. Ils y sont rejoints par une autre bande descendue de Condé , un camp est élevé devant Noyon d’où les pillards partent pour attaquer Laon d’une part, et Beauvois de l’autre. C’est en regagnant la basse Somme qu’ils se font massacrer en Vimeu.

En 883, un nouveau raid sur St-Quentin et Noyon a peu de succès.

Après une accalmie de 7 ans cette fois, nouvelles campagnes en 890 et 891 à Noyon, puis dans la Somme. Raid aussi en 892 à Arras, Eu et St Valéry. L’ordre revient en Picardie et l’on peut tenir compte que St-Quentin et Laon ont été incendiées, que Vermand et Amiens ont succombé au moins 2 fois, mais rien n’est moins sûr pour les villes de l’Aisne.

En revanche, il faut y placer le point de départ d’une période nouvelle car les Normands ont contribué à hâter brusquement l’évolution de la société et de l’économie carolingiennes. Le climat d’inquiétude dans lequel ils ont, durant cinquante ans au moins, maintenu dans la région les transferts d’autorité et de richesse ont provoqué à chaque alerte l’accélération des groupes humains, ce qui explique qu’on puisse leur décerner le rôle de moteur initial de l’essor picard.

L’argent " fenêtre en Picardie "

C’est la pénétration du numéraire en Picardie qui semble avoir été le levier le plus précocement mis en action.

Bien que l’on ne signale peu de redevances en argent, on solde les paiements avec du métal pesé au marc, c’est à dire selon une unité de poids, ou mieux encore, par troc de marchandises : sel, peaux, poivre…

Au milieu du XIème siècle en Vermandois et en Laonnois, les tenanciers paient leurs redevances par moitié en nature, par moitié en argent sous forme de piécettes, notamment pour les terres données à la culture. La construction des remparts urbains ou des châteaux ruraux qu’impose la seigneurie, tout cela entraîne les prémices d’un salariat urbain ou même campagnard.

L’argent reçu dans les chaumières, des mains d’un agent du maître, en ressort partiellement pour les redevances mais aussi pour les achats de matériel, bétail… Ainsi, de la ville à la campagne, du seigneur au paysan, le mouvement des échanges est la condition première du mouvement pour l’essor économique. On peut penser qu’en l’absence de mines dans la région, l’essentiel du numéraire provient des régions germaniques.

On constate, en effet, que les plus anciens lieux de taxation des marchandises en Picardie " tonlieux " et " péages " cités en 870 et l’an 1000 : Arras, Cambrai, Amiens, Lambres, Bapaume, Vendeuil, Poix, Lechères, Noyon se situent sur une voie méridienne Nord-Sud, joignant la Flandre à la basse Oise.

Les nouveaux ateliers royaux de frappe de monnaie se disposent au long de ce même courant de circulation : Arras, Vermand, Ham, Péronne, Roye, Corbie, Soissons, St-Quentin (en 1205), Amiens (en 1197) et Abbeville (en 1230). Au XIième siècle on frappe aussi à Coucy, Crépy, Pierrefonds.

Après la frappe des Parisis, c’est le Tournois qui envahit la Picardie.